Lorsque j’ai rencontré le peuple tibétain et particulièrement les bouddhistes, j’ai découvert un aspect qui faisait cruellement défaut à notre culture « la bienveillance en vers soi-même ».
Dès leur plus jeune âge ils apprennent à l’enfant à reconnaître le caractère unique et précieux de leur propre vie, et les invitent de fait à en prendre soin. Notre culture de l’enfant roi va bien à l’opposé de cette approche. Nous n’apprenons pas à l’enfant à prendre soin de la vie qu’il incarne, nous favorisons tout ce qui va générer plus tard de la souffrance, à savoir l’égocentrisme.
Nous sommes une société de désirs, une société dans laquelle nous pensons à tort que liberté rime avec « faire tout ce que je veux ». Paradoxalement, cela conduit un grand nombre d’entre nous à la haine et au mépris de soi-même si nous n’obtenons pas ce que nous voulons.
La haine de soi, un mal occidental
Dans les années 2000, le Dalaï-Lama a demandé à de nombreux enseignants spirituels qu’ils connaissaient ce qui pouvait faire obstacle à la méditation en occident. La réponse qui lui a été donnée n’a pas manqué de le surprendre : la haine de soi.
Ce dernier ne comprenait pas, car il ne pouvait concevoir que l’on puisse se haïr.
« La haine de soi est une attitude très négative. Si l’on creuse un peu derrière les apparences, on s’aperçoit que cette haine n’est que le résultat d’une trop haute idée qu’on a de sa personne. On veut à tout prix être le meilleur, et s’il manque le plus petit détail à notre image idéale, on ne peut le supporter. C’est une forme d’orgueil »
Dalaï-Lama Conseil du cœur, Pocket.
Nous n’avons pas besoin d’être psychologues pour nous rendre compte que nous sommes un peuple très orgueilleux qui paradoxalement est souvent incapable de prendre soin de lui, de manifester de la bienveillance souvent considérée à tort comme une faiblesse.
Le respect de la vie que nous incarnons
Ne dit-on pas que la vie est précieuse ? Cela sous-entend alors que notre vie est aussi précieuse que celle d’autrui et que la vie d’autrui est aussi précieuse que la nôtre. Voilà qui nous met sur un pied d’égalité.
Faire preuve de bienveillance envers soi-même, c’est faire preuve de bienveillance envers la vie que nous sommes.
Mais, si nous avons grand-peine à manifester de la bienveillance envers nous-mêmes, c’est parce que nous confondons nos actes et comportements, et ce que nous sommes par nature. Ce serait comme confondre le bleu du ciel et les nuages. Nous ne pouvons juger de la nature du bleu du ciel en contemplant les nuages.
La méditation, c’est entrer en amitié avec soi-même
Pema Chödron, cette nonne tibétaine d’origine anglaise, dit dans son ouvrage « dire oui à la vie » de la méditation que c’est une façon d’entrer en amitié avec soi-même.
C’est un point souvent négligé par les méditants occidentaux qui demeurent souvent au niveau « technique » de la méditation.
La méditation nous enjoint à respecter la vie que nous sommes sous tous ses aspects, à poser un regard certes détaché, mais empreint d’amour et de compassion.
La bienveillance envers soi favorise la compassion avec les autres :
« Qui mieux qu’une personne heureuse peut apporter du bonheur autour d’elle ? »
Il est difficile, voir impossible de donner aux autres ce que nous sommes incapables de nous accorder à nous-mêmes. Si nous avons grand-peine à recevoir nous-mêmes de l’amour et de la compassion, comment pouvons-nous concevoir que les autres puissent en recevoir ? Cette équation ne peut pas fonctionner, car au fond de nous nous ne reconnaissons pas la légitimité de recevoir ce à quoi nous aspirons.
C’est un aspect qui revient souvent dans les stages que j’anime. La majorité des participants reconnaissent avoir grand-peine à recevoir l’amour d’autrui, comme s’ils ne le méritaient pas. Ils trouvent plus naturel d’en donner que d’en recevoir. De fait, ils rencontrent de grandes difficultés de prendre soin d’eux, comme si cela n’était pas normal.
Je leur réponds alors, que leur est aussi précieuse que celle d’autrui et inversement, que la bienveillance c’est pour tout le monde et qu’elle ne souffre d’aucune condition.
C’est la bienveillance, l’amour, la compassion et le respect envers nous-mêmes qui nous font grandir, nous donnent la maturité d’esprit et donnent du sens à notre existence. Se priver de cette bienveillance, c’est se priver du miel de la vie.
Qui est Bruno Lallement ?
Bruno Lallement enseigne la méditation et les méthodes d’accomplissement personnelle depuis 1987
Il donne cours et stage dans ces divers domaines. Conférencier mais aussi auteur, humaniste et humanitaire